23.2.23
À CŒUR OUVERT… SUITE
1.2.23
Maman
Pendant une longue période de ma vie, ma mère a été la personne que j'ai le plus aimée au monde. Je crois que je l’aimais plus qu’elle ne s’aimait elle-même.
À cette
époque, je la protégeais en répondant à ses attentes de mère. Je lui obéissais, comme s'applique une petite fille modèle, à priori pour lui enlever la lourdeur des tâches quotidiennes qu’elle
n’avait pas toujours choisies de faire. J’étais là, toujours prête, à l’écoute et
au-devant de ses besoins. Tout cela, je pense, pour lui plaire, pour qu'enfin elle me voit.
Probablement que la plupart d’entre vous avez vécu quelque chose de significatif avec leur mère, puisqu'il s'agit ici d'un lien assez particulier ; le lien maternel. La mienne, je l’ai aimée à m’oublier, essayant tant bien que mal, et avec la compréhension d’un enfant, puis d’une adolescente, de recevoir un minimum en retour dans toute cette manifestation. Mais en vain.
Heureusement, cet état de choses a changé avec la maturité, car je suis devenue cette personne que j’aime le plus. Ça aura pris du temps, me direz-vous, un long cheminement, beaucoup d’amour-propre, autant de compréhension, d’accueil et d’acceptation, mais j’y suis parvenue, dans la douceur et la bienveillance.
J'ai pris conscience avec les années, qu'enfant, je n'avais jamais aimé ma mère pour ce qu'elle était vraiment, mais pour ce que je voulais qu'elle soit pour moi, dans ma pensée et dans mon cœur. Ma mère jonglait avec ses propres démons et n’en parlait à personne. C’était ses choix de vie, ses conditionnements, ce qu’elle avait appris à faire. On lui avaient exliquer quoi faire avec les choses déplaisantes, soit les jeter dans le tiroir d’en arrière en faisant semblant que tout allait bien.
C'est d'ailleurs dans ces années que les grands secrets sont nés, sans que les mensonges n'allongent le nez. Malgré tout, je ressentais ses tourments, et rattachées à eux, je voyais les réponses. Oui déjà, dans ma petite tête d’enfant, des solutions, je ne voyais que ça. Je voulais tellement aider… mais aider parfois, c’est aussi se taire et accepter qu’il en soit ainsi. Bref, c'est ce qu'elle souhaitait alors que moi je voulais une mère guérie.
Je me suis alors détachée.
*
Notre façon d'aimer se défini souvent ainsi, en fonction de notre vision du monde, et de nos propres besoins. Cela va de soi lorsqu'on est un enfant, mais à l'âge adulte, notre rapport à l'autre doit se transformer en quelque chose de plus humain et de plus altruiste.
Aimer, c'est
offrir à l'autre un espace à occuper, lui faire de la place, le reconnaître
dans ce qu'il est, sans le juger, sans avoir d’attentes. Mais pour espérer prendre
soin de ceux que l’on aime, il faut d’abord et avant tout avoir appris à
s’aimer soi-même. Je l’ai appris à mes dépens.
*
C’est en effet
par le détachement que j’ai appris à m’aimer, maman, au fil des années. J’ai
commencé par me détacher d’un lien négatif que j’alimentais à sens unique de
façon bien involontaire.
Il s’agissait probablement d’un attachement puissant
qui se composait de nos blessures communes, de mon désir de réussir à
tout prix dans l’image que je me faisais de toi et moi au détour de la réalité.
Et dans le fond, rien de tout cela n’avait à voir avec la mission véritable de
l’amour.
Je me suis dit que pour t’aimer vraiment, j’avais
moi aussi besoin de trouver ma place et de te laisser la tienne, toi qui la criais depuis si
longtemps. Voilà ce que j’ai fait au moment même où tu m’as dit: «Si tu as besoin de t’en aller ailleurs pour
retrouver qui tu es et te permettre d’être, alors vas-y.»
Cela en a-t-il valu toute la peine qui en a découlé. Je ne saurais l’affirmer compte tenu que la souffrance appartient à l'ego.
Par contre ce que je sais aujourd'hui grâce aux expériences de transcendance, c'est que la source, est bien
plus grande encore que le lien physique d’une mère ou d’un père, qui, quand on y pense, devient obsolète. C’est la
structure sacrée de notre Moi véritable, et de tout ce qui y vit en termes de potentialités. C’est ce que
ce détachement m’a permis de découvrir.
Avant même de naître, nous étions. Avant d’incarner ce corps physique, nous sommes et nous serons toujours cette essence, même dans l’après. Nous respirons dans l’expérience humaine comme le fait un poisson dans l’eau, alors que toutes les dimensions deviennent possibles pour nous dans un seul et même temps. Nous puisons sans cesse à même l’arbre de vie, puisque nous sommes à la fois la graine, l’arbre et le fruit.
*
J’ai reconnu ma mère plus tard, cette énergie innommable et sans fin, et lui ai dit :
«Tout est là
en toi maman, mes apprentissages, les leçons de la vie, les fois où je suis
tombée, et celles où je me suis relevée. Tout y est; l’appel de mon cœur, et la
réponse d’un esprit aimant qui m’enveloppe complètement et me submerge.»
Au-delà de l'abondance et des manques, tu as su comment
me soigner et me guérir. Je te dois tout.
Tu connais mes plus profonds désirs comme mes plus
grands tourments et tu es là, à attendre patiemment que je me manifeste à toi
dans l’abstraction de mon personnage, afin d’ouvrir ta main et de me la tendre de
nouveau. Tu es là, et sans cesse tu m’accueilles dans ce que je partage au
quotidien.
Sans me juger, tu me laisses être. Tu me donnes
cette place qui est la mienne. Tu me donnes toute la place que je veux bien
prendre et il y en a tellement.
Sans intervenir, tu me laisses libre dans mes
choix, libre d’avancer comme bon me semble et je t’en suis reconnaissante.
Tu me donnes tous les espoirs, toute la passion nécessaire
pour me permettre de créer moi aussi la réalité naissante de mon monde
imaginaire. J’essaie d’être comme toi, à ton image, pour être à même, moi aussi,
d’atteindre toute la perfection de l’amour que tu transportes en toi. Maman, la
vraie… qui es-tu donc finalement ? Je te vois en chacun de nous, en moi comme en
la parole que j’utilise maintenant pour acheminer ton existence à l’intérieur
de chaque possibilité.
C’est l’évidence que je te connais depuis toujours.
Toutefois, pour maîtriser ton énergie et laisser ton amour entrer en moi, il a
fallu d'abord me reconnaître dans ma souffrance et apprendre à l’aimer.
Cela sans renier l'existence des parties sensibles
qui m’habitaient alors et qui restaient en suspens dans l’air, dans l’attente simple
de pouvoir elles aussi exister. Toutes ces choses que tu as créées finalement portent
en elles leurs propres perfections.
Ah, que j’aurais aimé comprendre le sens de ton
amour dès le départ, mais je conçois que j’avais à passer par ce chemin cahoteux pour
arriver à parler ton langage. Celui-là même que tu utilises aujourd’hui pour me
dire à quel point tu m’aimes.
Je m’en souviendrai toujours…
Cette
fois précise où je t’ai senti m’envahir, j’ai compris que tu allais demeurer en
moi éternellement à condition que je garde la porte ouverte. Tu es le contenant
de mon univers, ma matrice à moi. Tu es le pont subtil entre ma vie et ma mort
qui en fin de compte ne sont qu’une seule et même chose ; moi.
Maman, ma toile de fond, assise sur tes ailes, je m’ouvre à la beauté que tu m’inspires.
Lady Isabelle - Extrait de Mots de l'âme
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