J'ai rencontré EYWA au tournant d'un chemin, sans grands éclats, et sans attentes. En fait, on m'en avait parlé déjà, et présenté comme étant une essence d’arbre spéciale qui portait en lui un message très précis pour chacun. Je l'ai donc approché, à la fois curieuse et en ouverture… à l'écoute de ce qu'il était.
Ce jour-là, quand j'ai touché son tronc, la première chose qu’il m'a partagé fut son grand âge. J'ai senti son cœur battre, sa vulnérabilité au niveau de ses structures, la porosité de sa peau, un peu comme la dormance en hiver qui fait que la sève quitte les extrémités et regagne le centre. Il était comme ça… nu… avec un immense besoin de partager. Ça m’a fait penser à la vieillesse, a la mort. On ne veut pas être oublié parce qu’on a tant donné de nous-mêmes a la vie, et en même temps EYWA savait, oui il savait que c’est en donnant ainsi qu’on poursuit son chemin au travers des autres. Ce jour-là, il m'a donc transmis une douce image de qui il était aujourd'hui, sans artifice, intègre et vrai.
Vous savez ce que représente un tel bagage. 100 ans c’est déjà beaucoup me direz-vous, mais quand on parle de plusieurs centaines d’années, 200, voir 300 ans peut-être, on peut facilement imaginer qu’il a vu grandir des générations d’hommes et de femmes et qu’il a su rester droit malgré les années. Il a vécu tous les intempéries, protégé des petits êtres sous ses branches, abrité des nids d’oiseaux, vu se réjouir des jeunes d’écureuils s’enrouler dans ses branches. Il a été heureux.
J'ai vu... sa jeunesse... et le vieillard qu’il est devenu…
J'ai senti à quel point il avait aimé participer à l'histoire, à la vie...
J'ai compris qu'en me montrant des brèches de son passé, il me racontait son histoire à sa façon. Il n’y avait rien à ajouter, car son partage n’avait d’égale que la complétude de son être qui rayonnait autour de lui tel un halo plus bleu encore. Ce grand maître m'a dit, avec toute la sagesse qui l’habite, qu'il ne fallait que vibrer selon ce que nous étions fondamentalement plutôt que d'essayer de vouloir changer quoi que ce soit de ce qui se passait tout autour de nous.
- Regarde… me répéta-t-il plusieurs fois, et soit toi-même dans ton cœur. Aime ce qui est là. Ait de la gratitude pour chaque vie qui a croisé ta route jusqu’ici et pour chaque autre qui la grandira.
Isabelle Pitre